le 28.08.14 | 10h00
Algérie Conseil Export est une association nationale, professionnelle constituée d’experts, de conseillers et de formateurs qui accompagnent les entreprises algériennes désireuses de se lancer à l’international. Son président Smaïl Lalmas revient dans cet entretien sur l’échec des politiques de développement des exportations hors hydrocarbures et les solutions qu’il préconise pour les promouvoir.
- Comment évaluez-vous les politiques de développement des exportations hors hydrocarbures ?
Depuis des décennies, les exportations hors hydrocarbures sont au centre des préoccupations des pouvoirs publics. Plusieurs mécanismes, facilitations, mesures d’appui et d’accompagnement ont été mis à la disposition des entreprises désirant positionner leurs produits à l’étranger, mais le constat est accablant, 2 milliards de dollars seulement exportés, sachant que les exportations algériennes hors hydrocarbures sont prédominées par des dérivés d’hydrocarbures à hauteur de 60%.
L’Algérie demeure malheureusement un pays mono-exportateur d’hydrocarbures. Les différentes politiques de développement des exportations hors hydrocarbures ont échoué. L’export souffre d’un manque de visibilité, absence d’une tutelle ou d’une entité apte à mettre en place une véritable stratégie nationale pour la promotion des exportations hors hydrocarbures, qui sera le fruit d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. Il y a confusion entre les attributions des différents ministères, à savoir entre l’Industrie et le Commerce, on ne sait plus qui est responsable de l’export.
Notre association, Algerie Conseil Export (ACE) a appelé à la création d’un ministère du commerce extérieur qui aura 3 missions stratégiques, notamment la promotion des exportations hors hydrocarbures, la régulation des importations et faire en sorte que l’Algérie soit une destination de choix pour l’investissement étranger. L’ACE appelle à plus d’autonomie et plus de moyens avec un travail de proximité au niveau régional et pourquoi pas une présence dans certains pays cibles, mais cela dans le cadre d’une stratégie nationale, avec obligation de résultat.
Pour le volet export, en plus de la stratégie, il s’agira de réorganiser le secteur en redynamisant les différentes institutions de l’Etat, comme Algex, les Chambres de commerce nationales, de créer des représentations commerciales à l’étranger afin de prospecter de nouveaux débouchés pour le produit national et évaluer les besoins des marchés extérieurs, de la prise en charge financière simplifiée des entreprises participant à des manifestations de promotion internationales et de la multiplication des missions d’hommes d’affaires vers des espaces économiques pas encore explorés.
Il est question aussi d’alléger les procédures d’exportation, de faciliter l’accès aux financements, de mettre en place un couloir vert plus actif, d’installer des chaînes logistiques plus modernes et d’encourager les IDE à utiliser l’Algérie comme une plateforme d’exportation, renforcer la relation entre la recherche, l’innovation et le développement industriel. L’accompagnement des entreprises dans la certification et la normalisation de leurs produits est une étape importante, impliquant des établissements, comme Algerac, respectables, devant jouer un rôle non négligeable dans la mise en place de la stratégie nationale au même titre que les institutions déjà citées, en plus des exportateurs bien sûr et des associations.
- Qu’en est-il du potentiel ?
Les exportations algériennes hors hydrocarbures (EHH), comme je l’ai évoqué, sont constituées essentiellement de dérivés d’hydrocarbures, de produits agricoles et agroalimentaires. Pour les principaux produits exportés de dérivés du pétrole, il s’agit notamment des huiles et produits provenant de la distillation des goudrons, les ammoniacs anhydres et les engrais minéraux ou chimiques azotés, phosphate de calcium de l’hydrogène et gaz rares et les alcools acycliques.
Pour être honnête avec vous, personne ne pourra répondre à cette question de façon objective, pour la simple raison qu’il faudrait mettre en place un programme de recensement de ce potentiel national, qui touchera pratiquement tous les secteurs, sans oublier celui des services. Une opération qui n’a pas été faite, pourtant c’est une action nécessaire, car c’est le résultat de ce travail qui va permettre d’asseoir notre stratégie nationale de développement des exportations.
- Les entreprises algériennes participent à une vingtaine de manifestations à l’étranger par an. Quelle évaluation en faites-vous ?
Participer à un salon, une foire, un forum à l’étranger nécessite une préparation, une organisation, un investissement, des outils adaptés, or, nous déplorons la qualité de nos pavillons à l’étranger, mauvaise préparation, parfois manque d’objectivité quant au choix de la manifestation, encadrement défaillant, pas d’évaluation et bien sûr pas de retour sur investissement. Très souvent c’est une occasion pour certains participants et accompagnateurs de profiter des frais de mission en devises et faire du tourisme sans plus.
- Quelles solutions, préconisez-vous, pour promouvoir les exportations hors hydrocarbures ?
Il faut créer une entité stratégique pour gérer et développer l’export en Algérie, un ministère du commerce extérieur s’impose, évaluer notre potentiel, mettre en place une stratégie qui visera la relance des exportations par la consolidation des marchés traditionnels, le développement de nouveaux marchés et la préparation des nouveaux exportateurs.
Cette stratégie ou ce plan sera né d’un effort de consultation des différents ministères, des entreprises, des associations sectorielles, bref des différents acteurs économiques, en se basant sur les grandes orientations suivantes que l’ACE juge importantes : Faciliter l’accès aux services et aux marchés en débureaucratisant les mesures de facilitation, améliorer la concertation et la complémentarité entre intervenants à l’exportation et mettre la diplomatie au service de l’économie.
Préparer les entreprises en amont du développement de marché et déployer une approche intégrée de l’accompagnement stratégique des entreprises tout en pensant à offrir des services et des outils financiers adaptés.Appuyer les entreprises à l’étranger et promouvoir, à des fins d’investissements, la compétitivité de l’environnement d’affaires en Algérie.
La deuxième partie de votre question traite de la réduction des importations, il faut savoir qu’on classe les instruments protectionnistes en deux grandes catégories : les droits de douanes et les nouveaux instruments protectionnistes dits barrières non tarifaires. Cette dernière catégorie regroupe tous les instruments en principe interdits par les accords internationaux. Mais vous avez d’autres techniques tolérées, je citerais les accords d’autolimitation, qui sont des arrangements bilatéraux avec nos différents fournisseurs, en vue de réduire notamment les quantités exportées vers notre marché.
Pour encourager les exportations, la majorité des pays octroient des subventions, une aide financière étatique à une industrie destinée à accroître sa production locale (subvention à la production) ou à favoriser ses exportations en vendant à l’étranger à un prix inférieur au prix national par souci de compétitivité, cela en plus des mesures classiques comme la prise en charge totale ou partielle du transport, à la participation aux événements et foires, des formations aux techniques de l’export et… surtout mettre le politique au service de l’économique pour préparer l’après-pétrole et aspirer à un avenir meilleur.
- Il y a ceux qui appellent à la création d’un conseil national consultatif pour la promotion des exportations. Quel est l’avis de l’ACE sur ce sujet ?
Effectivement, c’est une revendication qui date de plus de 10 ans, c’est un conseil composé des ministres du Commerce, de l’Industrie, des Transports et celui de l’Agriculture, présidé par le Premier ministre, structure lourde à mon avis, il faudra pouvoir trouver un bon timing pour les réunir tous en même temps, vu l’emploi du temps, de chacun, sachant qu’il est question de se réunir deux fois par an. Honnêtement, je ne vois pas l’utilité de ce genre de structure, nous avons besoin plutôt d’une entité qui gère les problèmes de l’export au quotidien et non deux fois par an, une entité qui sera responsable du secteur dotée de tous les moyens qu’il faut avec l’obligation de résultats.
Cela dit, ce genre de conseil ou comité interministériel pourrait être utile si on revoit sa composition et qu’on la limite à des représentants des différents ministères impliqués dans l’activité export, pour plus de souplesse, sans oublier les établissements sus-cités et associations, un comité riche en expertise, qui pourrait jouer le rôle de conseil, de suivi et de soutien à la politique menée par le gouvernement via le ministère du commerce extérieur. Je tiens à vous signaler, si je ne me trompe pas, l’existence d’une commission du partenariat et de la promotion des exportations au sein du Conseil national consultatif pour la promotion des PME (CNC-PME). Vous voyez qu’on a déjà un conseil, à mon avis il faut évaluer son travail avant d’en créer un autre.